Pour aller loin avec sa voiture, vaut-il mieux alimenter son moteur avec un agrocarburant ou avec une batterie chargée par de l’électricité obtenue à partir d’une biomasse équivalente ? Il fallait bien que des scientifiques finissent par se poser cette question impertinente. Et que leur réponse, comme souvent, n’aille pas dans le sens gouvernemental.

La France, l’Union européenne, les Etats-Unis... On ne compte plus les pays qui ont réagi à la hausse vertigineuse des cours du pétrole, l’an dernier, en boostant leur politique en faveur des agrocarburants. Vert, renouvelable, plus propre, produit sur place... le nouveau « pétrole » fabriqué à partir de maïs, canne à sucre ou betterave semblait avoir tous les avantages.

Ce discours simpliste a déjà été critiqué. Le risque de concurrence entre productions alimentaires et industrielles ou l’encouragement à détruire de nouvelles zones forestières a été particulièrement souligné. Pour éviter cette critique, il est possible d’utiliser la voie du bioéthanol, dit cellulosique, qui est fabriqué à partir de la lignocellulose des végétaux (bois, paille de riz ou de blé, déchets forestiers ou agricoles), qui enveloppe les cellules et non de l’amidon qu’elles contiennent. Cette idée, qui participe aux biocarburants de deuxième génération, connaît des premières réalisations industrielles et reçoit un soutien financier massif des gouvernements, en particulier aux Etats-Unis.

Trois scientifiques américains viennent de publier une analyse qui prend le problème par un autre bout. Comparons, se sont-ils dits, l’efficacité technique et écologique de deux solutions partant d’une même biomasse. La première consiste à fabriquer le carburant que vous mettez dans votre voiture à moteur thermique ; la seconde à brûler la biomasse pour produire de la vapeur, faire tourner une turbine et, in fine, produire de l’électricité que vous stockez dans une batterie, laquelle fournira la puissance d’un moteur électrique d’une voiture.

Afin de balayer l’ensemble du problème, les trois chercheurs sont partis de deux plantes : le maïs et une grande céréale sauvage, le panic érigé (panicum virgatum). Cette dernière, dont se nourrissaient les bisons des grandes plaines américaines, porte les espoirs des partisans de carburants alternatifs. Ces deux exemples permettent de tester agrocarburants de première comme de deuxième génération au regard de la solution « électrique ». Les chercheurs ont ensuite étudié de nombreuses hypothèses (petites, moyennes et grandes voitures, conduite en ville et sur autoroute) ; analysé les cycles complets de production des plantes et de vie des véhicules ; étudié le bilan en gaz à effet de serre des cultures - mauvais pour le maïs (sa culture émet du gaz carbonique), positif pour le panic érigé, qui stocke le carbone de l’air grâce à son vaste système racinaire. Le tout grâce à des études préexistantes mais jamais mises en relation.

Le résultat peut sembler étrange. En effet, il vaut mieux brûler ces plantes et générer de l’électricité avec la chaleur obtenue, et ceci dans tous les cas de figure. Rapporté à l’hectare, une voiture électrique va rouler plus longtemps et émettre moins de gaz à effet de serre que si elle était alimentée aux biocarburants. Un résultat qui doit beaucoup à la grande efficacité du moteur électrique. La version éthanol classique (au maïs) se retrouve avec un bilan catastrophique. Le panic érigé présente, lui, une efficacité presque deux fois supérieure, en termes de kilomètres parcourus et d’émissions évitées, lorsqu’il est brûlé pour générer de l’électricité.


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