Un projet solaire de grande envergure dans le Sahara, comme source d'électricité pour l'Europe.

Une vingtaine de grandes entreprises allemandes vont se réunir au sein d'un consortium très ambitieux baptisé Desertec [1], afin de développer le plus vaste champ de panneaux solaires du monde, en exploitant l'infini potentiel d'énergie solaire que recèle le désert du Sahara. Ces entreprises souhaitent construire d'immenses centrales solaires thermiques dans le Nord de l'Afrique, et les relier aux réseaux électriques de plusieurs pays d'Europe et du Bassin Méditerranéen afin de les alimenter. Une réunion de lancement du consortium est prévue dès le 13 juillet prochain, sous la direction de l'assureur bavarois Munich Re, à la tête du projet. Parmi les entreprises fondatrices du consortium se trouvent la Deutsche Bank, E.ON, RWE et Siemens. Plusieurs ministères allemands, des responsables de la Commission européenne et du Club de Rome [2] participeront à la réunion de lancement. Pour l'heure, seules des entreprises allemandes compteraient parmi les membres fondateurs du consortium. Cependant des partenaires étrangers pourraient s'y adjoindre au cours des prochaines années. "Nous sommes très optimistes quant à la participation de l'Italie et de l'Espagne, et nous recevons aussi des signaux encourageants d'Afrique du Nord", affirme Torsten Jeworrek, président du conseil de surveillance de Munich Re. Il doute en revanche d'une éventuelle participation française, car "la France continue de miser très fort sur l'énergie nucléaire".

Les experts estiment à 400 milliards d'euros, soit l'équivalent d'une centaine de centrales nucléaires de nouvelle génération, le montant des investissements nécessaires sur une période de quarante ans. A elles seules, les méga-installations solaires coûteraient quelque 350 milliards d'euros. Le reste devrait être utilisé pour construire un réseau CCHT (Courant Continu à Haute Tension) afin de transporter l'énergie produite en Afrique vers le continent européen, le tout en minimisant les pertes en ligne, qui augmentent avec la distance et la faible qualité du réseau électrique ; elles ne devraient ainsi pas excéder 10 à 15%. Selon les prévisions, les premiers foyers allemands devraient être approvisionnés en électricité africaine d'ici dix ans. Selon Torsten Jeworrek, le projet Desertec serait en mesure de produire 15% de l'énergie consommée en Europe d'ici à quinze ans. Le groupe souhaite "lancer cette initiative, afin de pouvoir poser sur la table des plans concrets d'ici 2 à 3 ans." {jgxtimg src:=[images/solaire/trec.jpg] width:=[240]}

Les représentants de Siemens se montrent enthousiastes : "Desertec représente selon nous un projet visionnaire et très excitant. Une surface de 300 kilomètres sur 300 kilomètres dans le Sahara, équipée de miroirs paraboliques, suffirait pour couvrir les besoins en énergie de la Terre entière". L'entreprise Solarworld, numéro un de l'énergie solaire en Allemagne, demeure quant à elle sceptique quant à l'issue d'un tel projet. "Si l'on construit des centrales solaires dans des pays aux régimes politiques instables, estime son directeur Frank Asbeck, on court le risque d'entrer dans le même système de dépendance qu'avec le pétrole." Par ailleurs, il n'existe pas encore de réseau d'électricité susceptible de transporter ce courant. Selon la Fondation Désertec, le projet pourrait se réaliser dans les années à venir si les responsables politiques en créent les conditions. En effet, les contraintes ne sont pas seulement techniques : d'une part, les centrales doivent être installées dans des pays stables politiquement pour garantir la sécurité de l'approvisionnement en électricité ; d'autre part, il faut trouver les moyens de financer des investissements colossaux, d'autant que le projet est supposé pouvoir s'auto-financer à long terme. Au départ, il aura bien entendu besoin d'une sécurité d'investissements, par exemple une garantie d'achat à un prix fixé. Mais l'électricité ne doit pas être subventionnée dans la durée. Desertec devrait être concurrentiel d'ici 10 à 15 ans, selon Torsten Jeworrek.

L'idée du projet Desertec est née au sein d'un réseau mondial de scientifiques, de responsables et d'entrepreneurs, le TREC [3], qui l'a développée en collaboration avec la branche allemande du Club de Rome. Le Centre allemand de recherche aérospatiale (DLR) a mené des études techniques, financées par le Ministère allemand fédéral de l'Environnement [4]. L'étude a permis de conclure qu'en moins de 6 heures, les zones désertiques du globe reçoivent du soleil la quantité d'énergie que l'humanité consomme en une année. La fondation Désertec s'est ainsi lancé le défi d'exploiter cette énergie inépuisable à un coût raisonnable. Le projet prévoit la construction de vastes centrales solaires thermiques à concentration (CSP, [5]) en divers points d'Afrique du Nord. Les études ont montré qu'il suffirait d'installer des champs de collecteurs solaires sur environ 0,3% des surfaces désertiques du globe pour couvrir l'ensemble des besoins mondiaux en énergie, ce qui représente quelque 20 km2 par être humain. En complément, il est prévu d'exploiter l'énergie éolienne le long de la côte marocaine et en Mer Rouge, et d'utiliser d'autres techniques solaires telles que le photovoltaïque concentré.

Pour en savoir plus :
  • [1-4] Informations supplémentaires : "Signature d'un accord de coopération germano-algérien pour le développement de l'énergie solaire" - BE Allemagne 372 - 14/02/2009
  • [2] Club de Rome
  • [3] Trans-Mediteranean renewable Energy Cooperation
  • [5] CSP : concentrated solar power
  • Sur le même thème : Article de Wikipédia sur TREC

Source :

Rédacteur :
Claire Vaille, Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.


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