On connaît la position dominante de lAllemagne en matière dénergie éolienne mais on sait moins que notre voisin est également devenu un géant mondial en matière dénergie solaire.
LAllemagne, qui nest pourtant pas réputée
pour son climat très ensoleillé, compte sur ses toits une surface
installée de capteurs solaires thermiques de quelque 7 millions de
m²
représentant une puissance thermique de 4 700 mégawatts. 4 % de lensemble
des foyers allemands font dores et déjà appel au solaire en tant
que source de chaleur durable et écologique. Pas moins de 270 millions
de litres de fioul sont ainsi économisés chaque année. En 2006, lAllemagne
a produit plus de 1500 MW délectricité photovoltaïque, soit les
3/4 de lélectricité solaire européenne et le tiers de lénergie
solaire photovoltaïque mondiale !
LAllemagne dispose à présent dun savoir-faire technologique et industriel qui en fait, comme cest déjà le cas pour léolien, le leader européen en matière dénergie solaire, avec toutes les retombées très positives que cela entraîne en terme de création demplois qualifiés. Lorsquon analyse de près le leadership allemand en matière dénergie solaire on saperçoit que ce nest pas tant la hausse du prix du pétrole qui explique le décollage du solaire Outre Rhin que la loi sur les énergies renouvelables promulguée en 2000 par le gouvernement allemand. Cette loi, la Erneuerbare-Energien-Gesetz (EEG), fixe la hauteur de lachat délectricité provenant des nouvelles énergies ainsi que le montant de la rémunération par les grands distributeurs dénergie. La rémunération versée aux producteurs dénergie renouvelable varie en fonction de la source dénergie (éolienne, solaire, biomasse, etc...) mais la somme, une fois fixée, reste toujours la même.
Pour illustrer limpact que la loi sur les énergies renouvelables a pu avoir, le journaliste Jürgen Röttger cite lexemple de lentreprise Conenergy. Avant la promulgation de la loi en 2000, Conenergy, créée en 1998, nétait lentreprise que dun seul homme. Elle compte aujourdhui plus de 450 salariés et son chiffre daffaires a atteint 285 millions deuros en 2004. "Ces entreprises engendrent déjà des bénéfices mais elles sont encore dépendantes de la loi. Les professionnels estiment que la branche deviendra véritablement indépendante dici huit à dix ans," observe le journaliste. "Cette loi a permis et permet encore aux entreprises dans les énergies renouvelables de faire des investissements sur le long terme car elle leur garantit une rémunération fixe, et par là même une sécurité financière. Cest vrai pour le secteur des énergies renouvelables, en particulier pour lénergie solaire qui demande une technologie de pointe et donc des investissements conséquents," ajoute-t-il. Ce secteur solaire nest pas seulement une bonne affaire pour les investisseurs, il permet également de créer des emplois nouveaux et qualifiés. Cest ainsi que le secteur solaire allemand compte déjà 50000 salariés pour atteindre quatre milliards deuros de chiffre daffaires.
Mais lAllemagne ne se repose
pas sur ses lauriers et prépare déjà, tant dans la filière photovoltaïque
que dans la filière thermique, les technologies de lavenir. Des
chercheurs de lUniversité Friedrich-Schiller de Jena viennent ainsi
dentamer un projet de recherche visant à développer des cellules
photovoltaïques de 3e génération, transparentes, souples et 100 fois
plus minces que les cellules actuelles, ce qui permettrait den recouvrir
les murs et façades des immeubles et maisons (Voir article de notre
lettre 424 dans notre rubrique "Energie").
Parallèlement à ces recherches de pointe dans le domaine des cellules photovoltaïques, lAllemagne sest engagée, de manière complémentaire, dans un projet encore plus étonnant qui illustre bien sa vision à long terme de la problématique énergétique : faire du Sahara une future réserve délectricité solaire. Dans 15 ans, lAllemagne pourrait importer du courant électrique produit dans le désert dAfrique du Nord à partir dénergie solaire thermique. "Techniquement, cela ne constitue pas de problème", estime Hans Muller-Steinhagen, directeur de linstitut de thermodynamique technique du centre aérospatial allemande DLR.
"En premier lieu, il faut
construire en Afrique des centrales solaires thermiques", souligne
Hans Muller-Steinhagen. Ces installations concentrent les rayons du
soleil sur un grand miroir parabolique afin de produire de la vapeur
dune température de 400 degrés Celsius et sous une pression de
50 à 100 bars. Une turbine traditionnelle convertit ensuite cette chaleur
en électricité. Un autre avantage de cette technologie : la chaleur
se stocke beaucoup plus aisément que lélectricité.
Même si comparée aux combustibles
fossiles, cette électricité du désert est aujourdhui trop chère
à produire, lexpert pense "quil ne nous restera pas dautre
choix si nous voulons réaliser nos objectifs climatiques et tenir compte
du caractère fini des ressources fossiles".
A partir de 2020, lélectricité solaire pourrait même devenir loption énergétique la plus abordable. Dici 2050, les importations en provenance dAfrique du Nord pourraient couvrir environ 15 % de la demande nationale allemande en électricité. "Théoriquement, un millième de la superficie des déserts suffirait à couvrir la demande mondiale en électricité", indique le professeur. La seule Algérie par exemple dispose dun Potentiel exploitable thermo-solaire de plus de 170 TWh/an, soit environ le tiers de la production française totale délectricité.
De nouvelles infrastructures haute tension seront nécessaires pour relier lEurope aux zones ensoleillées dAfrique longues de 4000 km. Si la technologie actuelle propose des lignes à courant continu de 600 kV, la prochaine génération passera à 800 kV et sera caractérisée par une réduction des pertes et des coûts.
Pendant ce temps, en France,
la production solaire, quelle soit photovoltaïque ou thermique,
reste marginale et insignifiante (moins de 0,5 % de la production totale
dénergie). Pourtant notre pays, contrairement à certaines idées
reçues, dispose dun excellent potentiel solaire. Plus de 20 départements
du Sud de la France bénéficient de plus de 2 000 heures densoleillement
par an et même en Ile-de-France, le rayonnement solaire moyen annuel
est de 1 150 kWh/ m2, soit seulement 20 % de moins que dans le sud de
la France. En se basant sur des estimations prudentes, les experts considèrent
que le solaire thermique peut couvrir la moitié des besoins de la France
en eau chaude, tout en assurant un complément de chauffage. Le solaire
photovoltaïque, pour sa part, pourrait assurer un tiers de notre consommation
électrique nationale. Il est donc regrettable que la France, qui a
la chance de disposer dun excellent gisement solaire, ne parvienne
pas à utiliser cette énergie gratuite et non polluante avec le même
niveau defficacité que notre voisin allemand.
Pourtant, le coût du kWh solaire ne cesse de baisser grâce aux progrès technologiques. Aujourdhui estimé à 40 cts, ce coût devrait tomber à 30 cts en 2010, 15 cts en 2020 et 10 cts en 2030. En outre, les récentes mesures fiscales décidées par le gouvernement - un crédit dimpôt de 50 % sur les nouveaux équipements et une hausse du tarif de rachat par EDF de lélectricité photovoltaïque, que les particuliers peuvent revendre jusquà 47 centimes le kWh et les communes 55 centimes - devraient contribuer au décollage de lénergie solaire en France.
Mais si nous voulons vraiment
que lénergie solaire cesse dêtre marginale en France et représente,
dici 2020, une part significative de notre consommation totale dénergie,
nous devons agir avec volontarisme dans plusieurs directions. Il nous
faut dabord accroître notre effort de recherche dans le domaine
de lénergie solaire (photovoltaïque et thermique). Nous devons
également libérer les initiatives tant publiques (collectivités locales)
que privées (entreprises et particuliers) en adoptant un cadre fiscal
et réglementaire beaucoup plus incitatif et moins contraignant qui
favorise les investissements solaires et permette une durée damortissement
plus courte. Nous devons ensuite définir des objectifs de production
dénergie solaire plus ambitieux au niveau de lEtat, compte tenu
du potentiel solaire exceptionnel dont notre pays dispose.
Il nous faut enfin apprendre à imaginer et à mettre en oeuvre de nouvelles synergies entre énergies renouvelables et notamment privilégier des projets intégrés qui combinent énergie solaire, énergie éolienne et production dhydrogène. Lenjeu est non seulement écologique, il est aussi économique, social et technologique, comme lont bien compris nos voisins allemands mais aussi espagnols ou portugais. Alors que le sommet mondial sur le climat, qui vient de se tenir à Bruxelles, a confirmé les prévisions alarmistes quant aux conséquences désastreuses du réchauffement climatique, il est grand temps que notre pays, qui a tous les atouts pour relever ce défi, se place à la pointe de cette mutation énergétique vitale pour notre avenir.
Sénateur honoraire
Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat
http://www.tregouet.org/article.php3?id_article=482#Chapo
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